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Invasion des Tuileries par le peuple parisien

Invasion des Tuileries par le peuple parisien

Date de création : Après 1848

Date représentée : 24 février 1848

Imprimeur : Pellerin, Épinal

Domaine : Estampes-Gravures

© RMN-Grand Palais (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi

Lien vers l'image

53.86.694C - 03-000592

  • Invasion des Tuileries par le peuple parisien

Les Parisiens envahissent le Palais des Tuileries, 24 février 1848

Date de publication : mai 2023

Auteur : Guillaume BOUREL

La Révolution de février 1848

Dès le 30 décembre, Guizot (1), premier ministre de Louis-Philippe, interdit le banquet de la garde nationale du XIIe arrondissement prévu le 22 février1848, dernier de la campagne des banquets organisés depuis un an par les libéraux et les républicains pour imposer l’élargissement du suffrage, voire le suffrage universel. L’interdiction confirmée par le préfet de Paris le 21 février est le déclencheur de l’insurrection parisienne contre une monarchie de plus en plus contestée.

Le 22 février, des étudiants se réunissent vers la Madeleine et entonnent La Marseillaise. Les premières barricades sont érigées. Les évènements basculent vers l’insurrection quand l’armée tire sur les manifestants le 23 février et que leurs dépouilles sont transportées à travers Paris durant la nuit. Le 24 février, Louis-Philippe ne peut qu’abdiquer et en début d’après-midi, le peuple se dirige vers le palais des Tuileries, qui est envahi. Le roi ayant fui, l’armée désemparée laisse entrer les insurgés. L’image reproduite par la célèbre imprimerie Pellerin, créateur des images dites d’Épinal, est un média populaire. Vendue par les colporteurs, elle s’accompagne d’un chant écrit par Halbert d’Angers sur la « déconfiture de la maison d’Orléans » reprenant l’air très connu au XIXe siècle de « Ma tante turlurette ». Tout un chacun peut ainsi s’approprier son contenu qui tourne en dérision la dynastie déchue.

Une scène d’iconoclasme (2)

L’image décrit la salle du trône investie par une foule d’hommes représentants les différentes catégories sociales qui ont convergé lors de la révolution : un polytechnicien et un garde national à gauche, des bourgeois renversant le trône au centre, des ouvriers en armes déchirant le dais qui le surplombait à droite. Dans un second temps, le trône sera emmené place de la Bastille pour être ensuite brûlé en bas de la colonne de juillet qui commémore la révolution de 1830 qui avait abouti à l’avènement de Louis-Philippe. A l’arrière-plan, la gravure montre à la fois le faste des lieux avec ses dorures et un immense lustre et une salle totalement saturée d’hommes en liesse et de baïonnettes brandies en l’air. La composition s’organise autour d‘un axe central reliant le trône renversé en bas et le portrait en pied de Louis-Philippe la main posée sur la Charte à laquelle il a prêté serment. Plusieurs personnages tirent au fusil ou au pistolet exécutant symboliquement le roi qui a fui dès midi et pris la route de l’exil.

La souveraineté transférée du roi au peuple

Les témoignages et les images de l’époque donnent de cet évènement des lectures différentes. Le plus souvent les élites parisiennes décrient la débauche irraisonnée d’un peuple qui saccage et pille le palais. L’image d’Épinal est toutefois plus proche de ce qui s’est réellement déroulé. Les gardes nationaux canalisent les débordements. Le vandalisme est très contenu. Le portrait de Louis-Philippe est « fusillé », tout comme l’a été également le tableau représentant le serment de Louis-Philippe à la Charte qui orne la chambre des députés. Il s’agit d’un iconoclasme très ritualisé qui fonctionne comme un acte de justice populaire et un régicide symbolique. C’est une façon de signifier que tout retour à une monarchie est impensable en 1848, alors que Louis-Philippe a abdiqué en faveur de son petit-fils. Avant de renverser le trône, un faux discours y avait même été improvisé. Les gestes iconoclastes représentés ici peuvent être interprétés comme un rite de transfert de la souveraineté du roi au peuple. Il est notable enfin que les insurgés emportent avec eux des lambeaux des toiles déchirées ou des draps rouges de la salle du trône, qui jonchent le sol sur l’image, autant de parcelles de cette souveraineté que les insurgés se sont appropriées.

Emmanuel Fureix, « Luttes pour les symboles et appropriations de souveraineté dans l’espace insurgé (1830-1848) » dans J.P. Caron (dir.) Paris, insurrection capitale, Champ Vallon, 2014.

Maurizio Gribaudi et Michèle Riot-Sarcey, 1848, la révolution retrouvée, Paris, La Découverte, 2008

1 - François Guizot (1787-1874) : protestant né sous l'Ancien Régime, l'historien devient un homme politique et contribue à la chute de la Restauration et de Charles X en 1830. Ministre de l'Intérieur, puis de l'Instruction publique et enfin Premier ministre de Louis-Philippe, il applique sa politique libérale et conservatrice. Adversaire du suffrage universel, il se heurte à la campagne des banquets, organisés par l'opposition pour demander une réforme électorale. Lors de la Révolution de 1848, il s'exile en Grande-Bretagne et se consacre à son oeuvre historique.

2 - Iconoclasme : au VIIIe siècle, l'iconoclasme est une doctrine religieuse byzantine qui consiste à détruire les icônes et à interdire leur culte. Par extension, l'iconoclasme cherche à détruire les oeuvres d'art ou sacrés, les traditions, les valeurs établies...

Imagerie populaire : Née avec les techniques d’impression mécanique qui permettent la reproduction d’une même image à l’infini et sa diffusion à moindre coût et au plus grand nombre à des fins d’information, mais également de propagande. L’un des principaux centres de fabrication de ces gravures populaires est Épinal – on parle en ce cas d’images d’Épinal.

Guillaume BOUREL, « Les Parisiens envahissent le Palais des Tuileries, 24 février 1848 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/05/2024. URL : histoire-image.org/etudes/parisiens-envahissent-palais-tuileries-24-fevrier-1848

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